2003 a été une année marquée par un évènement de grande ampleur, prémisse d'une ascension que l'on croyait inarrêtable au vu du succès des éditions qui suivirent. Ceux qui ont un minimum suivi l'actualité e-sportive de ces dernières années ont évidemment compris de quoi je parlais, mais faisons un petit retour en arrière...
En 2003 donc, la société française Ligarena, connue pour avoir déjà organisé de nombreuses LAN de qualité, lance la première Coupe du monde des Jeux Vidéos, plus connue sous le nom ESWC. Cette première édition prend place à Poitiers, sur le site du Futuroscope et réunit 450 joueurs issus de trente-deux pays.
Après cette première édition couronnée de succès, l'organisation décide de remettre ça et devient en 2005 Games-Services. A la liste des lieux visités s'ajouteront le Carrousel du Louvre, Paris Bercy, le Parc des Expositions de Versailles et, pour finir, San Jose (Etats-Unis) en 2008.
Lorsqu'on regarde le site officiel de l'ESWC, on ne peut s'empêcher de constater l'évolution entre cette première édition et la dernière édition française, en 2007 : de 5000 visiteurs en 2003, vous étiez 35 000 à avoir fait le déplacement quatre ans plus tard et le nombre de compétiteur est passé de 450 à 750... Assurément, une belle évolution mais tout cela restait bien fragile.
En effet, avec un budget de plusieurs millions d'euros pour chaque évènement, Games-Services s'est vite retrouvé lié à ses sponsors, coincé par les exigences toujours plus grandes des joueurs et la surenchère des autres compétitions (show, montant versés aux gagnants, etc...).
Le budget devait sans cesse croitre et le nombre de sociétés prête à investir de tels montants n'est pas infini. Surtout, dans le milieu de l'informatique, la concurrence est rude et le nombre d'opérateurs relativement limité : il semble difficile de demander de l'argent à Intel et à AMD en même temps... Les revenus fixes de la société étaient somme toute assez limités : entre les entrées et les sommes perçues des différents partenaires nationaux voulant envoyer leurs joueurs à l'ESWC, il parait peu probable que plus de 25% du budget ait été couvert. Le business model reposait totalement sur le sponsoring et c'est là que deux gros problèmes se sont posés.
L'édition 2008 tout d'abord : sous pression d'Nvidia, l'ESWC a déménagé pour les Etats-Unis, quittant ainsi l'Europe et surtout la France qui depuis longtemps soutenait GS et l'ESWC de toutes ses forces. Le résultat fut un véritable échec : seulement 7 000 visiteurs, quarante pays participants (contre cinquante-et-un à l'ESWC 2007). Médiatiquement, ce ne fut donc vraiment pas le succès escompté et l'édition suivante risquait d'être décisive... Mais bien pire allait arriver.
Le deuxième semestre 2008 fut rempli d'annonces catastrophiques venant de toutes les branches de l'économie et les restrictions budgétaires tombèrent : suppressions d'emplois bien sur mais aussi réduction drastique des budgets promotionnels et de sponsoring.
C'est tout d'abord Nvidia qui décida de ne plus être partenaire à plein temps de Games-Services, se réservant le droit d'intervenir ponctuellement sur certains évènements, suivi peu après de Packard Bell, filiale d'Acer, qui annonça ne pas pouvoir fournir les ordinateurs pour l'ESWC 2009. Deux des plus importants sponsors étant partis. Mathieu Dallon (cf. photo de droite), le big boss de GS, fit alors une annonce : l'ESWC sera reportée à la fin de l'année, le temps de trouver d'autres partenaires... Une annonce qui en disait long mais qui sera suivie quelques semaines plus tard par deux annonces consécutives, la dernière ayant été publiée par nos confrères de Team-aAa ce week-end. Tout d'abord, Games-Services a confié l'organisation de la Coupe de France à une association afin d'en assurer la tenue malgré ses problèmes financiers. Peu après cela, c'est une mise en liquidation judiciaire qui a été enclenchée.
En clair, les employés et dirigeants de Games-Services ont été licenciés et un liquidateur va mettre en vente toutes les possessions matérielles et immatérielles, comme l'ESWC, afin de rembourser autant que possible les différentes dettes de la société qui disparaitra dans le processus.
Au niveau de l'E-Sport français, nous assistons donc à un énorme bouleversement. Depuis plusieurs années, la saison était rythmée par la Coupe de France et les nombreux évènements rapportant des points en vue d'une participation à la finale nationale. Sans tout cela, la France se retrouve au même niveau que ses voisins : l'ESL retrouve de l'importance avec ses compétitions online et les grosses écuries en seront limitées à une course aux lots dans les grosses LAN, désertant les petits évènements qui n'avaient comme intérêt que les points pour ce fameux classement Coupe de France. Les grosses LAN pourront-elles suivre les demandes des joueurs qui en veulent toujours plus ? Ou va-t-on assister à une rationalisation massive du sport électronique ? La chute de MYM et sa maison mère ES-Nation, couplée à la fin de l'ESWC, et la baisse des prix distribués par l'ESL laisse pencher pour la deuxième solution. Reste à savoir si la vénérable version 1.6 de Counter-Strike pourra y survivre...
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